Saine alimentation

La vérité sur les solanacées et l’arthrite

Image de deux aubergines avec des feuilles

Si vous êtes atteint d’arthrite, il y a de fortes chances que vous ayez lu ou entendu dire que vous ne devriez pas manger d’aliments de la famille des solanacées. Celle-ci comprend les pommes de terre, les tomates, les aubergines, les poivrons et les épices comme le paprika et le cayenne. Bien qu’aucune base scientifique ne justifie une telle réputation, elle est assez répandue. Regardons cela de plus près.

Une réputation tenace

Cristina Montoya, une diététicienne diplômée atteinte de polyarthrite rhumatoïde et du syndrome de Sjögren, explique que les solanacées contiennent une substance appelée solanine. La solanine est un type d’alcaloïde qui, lorsqu’elle est consommée en grande quantité, peut favoriser l’inflammation — toutefois, elle se trouve surtout dans les feuilles et les tiges de ces légumes, et non dans la partie comestible. Les recherches n’ont pas permis de prouver que les solanacées ont des répercussions négatives sur les articulations ou peuvent aggraver l’arthrite.  

Sensibilités alimentaires

Certaines personnes, qu’elles soient atteintes ou non d’arthrite, ont des sensibilités à certains aliments, dont les solanacées. Mme Montoya évoque plusieurs scénarios possibles. « Le premier est le syndrome d’allergie orale : les personnes allergiques aux pollens d’arbres ou de graminées réagissent également à certains aliments qui ont une composition protéique similaire. Les tomates sont un déclencheur courant. Une autre possibilité est le syndrome latex-fruits – lorsque les personnes allergiques au latex présentent également une sensibilité à certains aliments, comprenant les tomates et les pommes de terre, qui contiennent des protéines similaires. Cependant, ces allergies ou sensibilités ne se manifestent généralement pas par des douleurs articulaires ou d’autres symptômes d’arthrite », dit-elle.

Éliminez-les

« Évidemment, vous connaissez bien les réactions de votre corps. Chacun est unique et réagit différemment à différents aliments. Bien que la recherche n’ait pas établi de lien entre les solanacées et l’inflammation, certaines personnes atteintes d’arthrite signalent une aggravation de leurs symptômes après avoir consommé des légumes et des fruits solanacées. Si vous pensez que les solanacées affectent vos symptômes ou vous indisposent, vous pourriez essayer de les éliminer de votre alimentation pendant deux semaines. Réintroduisez lentement les aliments, un par un, à deux ou trois jours d’intervalle », explique Mme Montoya.

« Avant et pendant ce processus, tenez un journal dans lequel vous noterez ce que vous avez mangé, les conditions météorologiques, la qualité de votre sommeil et votre état d’esprit », conseille Mme Montoya. « Quel était votre état émotionnel? Quelle était votre humeur à ce moment-là? Est-ce que vous aviez pris votre repas rapidement? Ne vous contentez pas de noter vos symptômes; il s’agit de la situation qui entoure le repas et de la façon dont vous y réagissez », ajoute-t-elle. Il est également important de vous rappeler que vous ne mangez généralement pas qu’un seul aliment au cours d’un repas, comme une grande assiette de tomates. « Lorsque je fais cet exercice avec mes patients, ils se rendent compte que ce n’est pas vraiment la solanacée qui pose le problème. Il se peut qu’avec cette tomate, ils aient mangé quelques tranches de viande transformée et de fromage fondu; et ils n’avaient pas réalisé que c’étaient eux en fait les coupables. »

Ce ne sont pas toutes les personnes souffrant d’articulations endolories qui éliminent les solanacées de leur alimentation qui voient leur douleur s’atténuer. Certaines données suggèrent même que le contenu nutritionnel des solanacées pourrait contribuer à diminuer les symptômes de l’arthrite. En éliminant les solanacées, vous pourriez donc vous priver de nutriments importants et bénéfiques pour votre santé.

Les bienfaits des solanacées

« Elles sont délicieuses! », déclare Mme Montoya. « Si savoureuses et pleines d’antioxydants ». Les aubergines ont un faible indice glycémique (elles n’augmentent pas rapidement votre taux de sucre dans le sang), elles sont riches en anthocyanes, un antioxydant qui réduit l’inflammation, et elles sont une bonne source de fibres. « Nous commençons à comprendre comment les fibres jouent un rôle important pour nourrir le microbiome, les bonnes bactéries. L’aubergine avec sa pelure ou les pommes de terre avec leur pelure – toutes ces fibres nourrissent en fait notre microbiome intestinal sain, qui va à son tour améliorer les niveaux d’inflammation. »

Les tomates et les poivrons sont de bonne source de fibres, de vitamines A et C, et de lycopène. Les tomates cuites, en particulier, sont une source exceptionnelle de lycopène qui est plus disponible pour l’organisme que lorsque les tomates sont consommées crues. « Si nous regardons le régime méditerranéen traditionnel et la façon dont les tomates y sont apprêtées, elles sont principalement consommées cuites, avec de l’huile d’olive, de l’ail et des oignons. Cette combinaison renforce le lycopène antioxydant des tomates. Elle constitue en fait un aliment anti-inflammatoire très puissant. »

Les pommes de terre sont une source de vitamine C et de potassium, qui a des propriétés anti-inflammatoires. Les pommes de terre peuvent également être une source d’amidon résistant. « Lorsque vous faites cuire et refroidir des pommes de terre, puis que vous les réchauffez ou que vous les mangez dans une salade de pommes de terre le lendemain, cet [amidon] devient de l’amidon résistant qui contourne tout le processus digestif et va strictement nourrir les bactéries du côlon. Encore une fois, ce sont des avantages pour la santé et des avantages anti-inflammatoires », note-t-elle. Enfin, sur son blogue Arthritis Dietitian (en anglais), Mme Montoya écrit que « la capsaïcine est un alcaloïde que l’on trouve dans le poivre de Cayenne et le paprika, des épices communes de la famille des solanacées. Il s’agit d’un extrait du piment qui aide à soulager la douleur. Une étude a révélé que la capsaïcine alimentaire réduisait effectivement les réponses inflammatoires chez les personnes souffrant d’obésité (en anglais - inflammatory responses in people with obesity), ce qui signifie qu’elle pourrait être utile pour gérer l’inflammation dans l’arthrite inflammatoire et auto-immune. »

En conclusion : « Nous devons vraiment encourager les membres de notre communauté qui vivent avec l’arthrite à ne pas considérer un seul aliment comme une chose isolée. Lorsque vous mangez, disons une tomate, vous profitez de tous les composants de la tomate et de la synergie – vitamines, antioxydants, fibres. Ils travaillent ensemble. Il n’existe donc pas de nutriment ou de composé alimentaire isolé qui va déclencher vos niveaux d’inflammation. Il faut vraiment voir les aliments et la nutrition comme un tout », explique Mme Montoya. Elle ajoute en riant : « Vive les solanacées! »