Il y a un peu plus de trois ans, je recevais un diagnostic d’arthrite psoriasique (AP) et tout ce que je connaissais allait changer.
Envahie par un sentiment d’injustice, cela m’a pris plusieurs mois avant d’accepter ma nouvelle réalité et jusqu’à ce que je le fasse, la colère était mon exutoire. Je ne voyais que ce que j’avais perdu ou qui ne m’était plus accessible.
Étant une mère, une épouse, une gynécologue-obstétricienne et une femme active, aucune de ces parties de ma vie n’allaient rester indemnes.
Au travail, j’ai dû abandonner tout ce qui requérait une dextérité manuelle, mes deux mains et mon épaule droite constituant les régions de mon corps les plus touchées. Fini pour moi la chance d’aider des femmes à donner naissance ou le bonheur de les opérer pour résoudre un problème de santé. Ce fut dévastateur. Aider des bébés à rejoindre notre monde représentait un miracle à mes yeux.
J’ai dû tout abandonner… et c’est arrivé si vite
Peu de temps après, il m’a fallu cesser tout le travail clinique, incluant les consultations, que j’avais pu poursuivre jusque-là. Je n’arrivais pas à croire que l’arthrite m’obligerait à renoncer à ma vocation, pour laquelle j’avais dédié une grande partie de ma vie.
Heureusement, j’ai trouvé une solution de remplacement en explorant une autre de mes passions: l’enseignement. On m’a offert de développer mon expertise à l’Université Laval, où j’enseigne et je crée du contenu pédagogique pour les médecins de demain. L’adaptation est obligatoire lorsqu’on vit avec l’arthrite et je me réjouis que ça ait fonctionné pour moi.
S’adapter en famille
En tant que mère, certains défis m’ont blessée et chavirée. De voir ma fille jongler entre la perte de sa mère telle qu’elle l’a toujours connue et l’acceptation de sa « nouvelle mère » était déchirant. Je suis chanceuse qu’elle ait été si sage et mature pour son âge (8 ans à l’époque). Bien qu’elle fût triste et déroutée, elle était sensible, ouverte et comprenait la situation. On a longuement discuté à cœurs ouverts, ce qui nous a amené une nouvelle complicité, un lien fort et unique. Nous avons appris à profiter de chaque parcelle d’énergie que m’offre ma condition.
Mon fils, maintenant âgé de 5 ans, aussi a été touché par les conséquences de la vie avec une mère atteinte d’arthrite. Nous constatons certains problèmes de développement affectif, découlant entre autres, des contacts que j’étais en mesure de lui offrir. C’est un sujet sensible pour moi, mais je comprends que je ne peux me blâmer. Mon conjoint et moi l’accompagnons avec l’aide d’une professionnelle et lui fournissons les outils nécessaires et déjà, des améliorations marquées apparaissent.
Par chance, ma famille est plus forte de cette expérience et je dois remercier mon mari pour cela. Il a dû s’occuper d’une grande portion des tâches de notre foyer, en plus de m’offrir l’aide dont j’ai besoin, sans jamais s’en plaindre. Je suis si reconnaissante de son soutien et nous avons maintenant trouvé des façons d’alléger ses efforts. L’aide aux tâches ménagères et aux activités domestiques qu’une travailleuse sociale et une coopérative locale nous fournissent s’est avérée incroyablement aidante.
Notre intimité a aussi subi des répercussions majeures. Au début, nous étions incertains de mes nouvelles limitations physiques et ne savions pas comment gérer la perte de spontanéité. C’était si frustrant, à 34 ans! Notre communication s’est améliorée et nous avons trouvé des façons différentes de nous aimer. Nous sommes maintenant plus riches de compréhension, d’écoute mutuelle et de respect.
Parler d’arthrite
On se sent facilement seule dans ce genre de situation. Malgré les efforts de mon entourage extraordinaire, personne ne peut réellement comprendre ce que vivre avec l’arthrite signifie au quotidien. C’est taxant physiquement et émotionnellement. Les deuils multiples de tout ce qu’on ne peut plus faire nous amènent constamment à recommencer le processus d’adaptation. Pouvoir discuter avec quelqu’un qui n’était pas impliqué émotionnellement dans ma vie m’a beaucoup aidé. J’ai éventuellement trouvé le professionnel parfait par la Clinique de la douleur, et j’ai senti un immense soulagement dès que j’ai pu me confier sur mes combats quotidiens. C’est inestimable.
Échanger avec des personnes qui vivent les mêmes défis, les mêmes émotions, sans devoir expliquer chaque aspect de ma vie, fût également enrichissant. Le programme Aide entrAide et la Rencontre sur l’arthrite, offerts par la Société de l’arthrite, ont permis ces opportunités de contacts et ont joué un grand rôle dans mon cheminement.
La colère s’en est allée pour laisser place à la résilience. Je comprends et j’accepte ma condition maintenant. J’aborde chaque jour avec ouverture en me disant : « Voyons ce qu’il a à m’offrir. »
Je suis devenue plus sereine, même si on peut toujours faire mieux et suis maintenant mieux outillée pour faire face à mes défis!
Laurie Bérubé, Québec