Lorsqu’un diagnostic d’arthrite juvénile est confirmé, le rhumatologue pédiatrique, l’enfant, sa famille et les soignants doivent se poser plusieurs questions avant de pouvoir commencer le traitement. Notamment : À quel point la maladie de l’enfant pourrait-elle être sévère? Quelle est la probabilité que la maladie soit active à l’âge adulte? Quelle est la probabilité qu’il réponde au traitement normalisé? Quelle est la probabilité qu’il éprouve des effets secondaires provoqués par le traitement?
Les réponses à ces questions sont cruciales, mais elles ne sont pas toujours claires. La Dre Lori Tucker, chef de la division de rhumatologie du département de pédiatrie du BC Children’s Hospital et clinicienne chercheuse au BC Children’s Hospital Research Institute, propose une solution.
L’essai PERSON-JIA (Personalized Estimates of Response and Severity Outcomes in Newly-diagnosed Juvenile Idiopathic Arthritis) « Estimations personnalisées de la réponse et de la sévérité des résultats chez les enfants ayant reçu un diagnostic d’arthrite juvénile idiopathique (AJI) » est un effort national mené par la Dre Tucker afin d’aider les rhumatologues pédiatriques et les familles à choisir la meilleure option de traitement pour les enfants atteints d’AJI. L’AJI est la forme d’arthrite la plus courante chez les enfants et les adolescents et survient lorsque le système immunitaire du corps détruit ses propres cellules et tissus. Ses causes sont inconnues, mais ses répercussions sont dévastatrices.
La Dre Tucker travaille avec son collègue du BC Children’s Hospital Research Institute, le Dr Jaime Guzman, et une équipe afin de produire un rapport personnalisé qui aidera à guider la prise de décision dès le départ. Ce rapport est basé sur des informations préalablement recueillies auprès de milliers de familles touchées par l’AJI. « L’idée est de pouvoir prédire les réponses à ces questions dès qu’un enfant reçoit un diagnostic d’AJI », explique la Dre Tucker.« L’objectif est de mieux gérer la maladie, de renforcer l’engagement des familles, d’améliorer la satisfaction à l’égard des soins et de personnaliser davantage les plans de traitement », ajoute-t-elle.
Exploiter les données afin d’améliorer les résultats
Financé par la Société de l’arthrite du Canada, l’essai PERSON-JIA divise les rhumatologues pédiatriques participants en deux groupes. Dans l’un, la norme des soins offerte aux enfants et aux familles reste inchangée. Dans l’autre, un rapport spécifique à l’enfant éclaire les décisions clés.
Le rapport s’appuie sur des algorithmes de prédiction personnalisés afin de proposer la meilleure solution. Le processus est simple. Le rhumatologue saisit les informations relatives à la situation de l’enfant dans une application sur son ordinateur, sa tablette ou son téléphone intelligent. L’application utilise ensuite les données d’un registre de milliers d’enfants atteints d’arthrite afin de recommander un traitement en fonction de la situation de l’enfant. L’essai vérifie si les médecins qui utilisent le rapport pour guider les discussions sur les plans de traitement constatent une meilleure réponse au traitement chez le patient que les médecins qui ne l’utilisent pas.
« L’idée est d’utiliser le rapport dans le but d’encourager une prise de décision partagée entre les enfants, les familles et le rhumatologue lors de la toute première visite suivant la réception du diagnostic. Ce que nous voulons savoir, c’est si l’utilisation du rapport aide les enfants à se rétablir plus rapidement et si les parents et les enfants le valorisent », déclare la Dre Tucker.
Dans le meilleur des cas, les chercheurs constateront que le rapport permet aux parents d’améliorer leur apprentissage de l’AJI et leur compréhension des résultats probables pour leur enfant. La Dre Tucker explique que la plupart des parents ne savent pas qu’un enfant peut être atteint d’arthrite. Elle espère que le rapport facilitera les décisions difficiles des parents et qu’en impliquant les parents dès le départ, les enfants pourront commencer leur traitement plus tôt.
En ce qui concerne les autres avantages, la Dre Tucker élargit la portée de l’essai : « La production d’informations par le biais d’algorithmes pourrait être une façon optimale de travailler. L’utilisation des données pour produire des informations que nous pouvons utiliser afin d’améliorer la manière dont nous prodiguons des soins peut potentiellement transformer la pratique. »
Douze centres de rhumatologie pédiatrique répartis aux quatre coins du Canada collaborent actuellement à l’essai. Les enfants de moins de 17 ans atteints d’AJI peuvent s’inscrire.
Collaboration étroite
La Dre Tucker entretient une relation étroite avec le registre utilisé pour préparer les rapports personnalisés. Il en va de même pour la Société de l’arthrite du Canada.
Lorsque la Dre Tucker était présidente de l’Alliance canadienne des chercheurs en rhumatologie pédiatrique, le groupe a décidé qu’il fallait créer un registre afin de recueillir des données sur les enfants atteints d’arthrite. Les détails sur les médicaments prescrits et les résultats des traitements y seraient inclus. Le groupe a demandé à la Société de l’arthrite du Canada de l’aider à tenir le registre, ce qu’elle a fait.
« Ce registre a demandé beaucoup de travail, mais c’est une excellente ressource. Il a permis de catalyser un grand nombre de recherches importantes », explique la Dre Tucker. « L’essai PERSON-JIA utilise ce cadre de collecte de données. »
En contemplant l’avenir, la Dre Tucker aborde la question du financement – ou du manque de financement.
« Il n’y a pas beaucoup de chercheurs qui reçoivent des millions de dollars pour la recherche en rhumatologie pédiatrique. La seule façon de faire avancer la recherche pour les enfants atteints d’arthrite, c’est que mes collègues et moi-même le fassions », dit-elle. « Les rhumatologues pédiatriques de tout le pays collaborent énormément et travaillent avec acharnement. Sans eux, je ne pourrais tout simplement pas faire mon travail. »
Bien qu’elle fasse remarquer que la recherche sur l’AJI et d’autres maladies rhumatismales de l’enfance est largement sous-financée, elle n’hésite pas à exprimer sa gratitude envers un partenariat qui a permis des progrès et continue de le faire.
« Je suis très reconnaissante envers la Société de l’arthrite du Canada pour le soutien qu’elle a apporté dans le passé et qu’elle continue d’apporter à la recherche et à la défense de la rhumatologie pédiatrique », déclare la Dre Tucker. « C’est crucial. »