Histoires

Au galop vers la gloire

Roberta sur son cheval en compétition.

Roberta Sheffield chevauche sa monture, Fairuza, les yeux droit devant. Son regard se porte entre les oreilles de Fairuza, vers le Grand Canal en direction du château de Versailles. En cette fin d’après-midi d’automne, les ombres s’allongent et dansent autour d’elle. Le souffle régulier, l’esprit concentré, Roberta est prête à s’élancer sur son cheval.

Pour de nombreux athlètes, l’occasion de représenter son pays sur la scène mondiale est surréelle. C’est le point culminant d’efforts continus sur plusieurs années, voire des décennies. Pour Roberta, le vivre dans un environnement emblématique, pittoresque et chargé d’histoire fait en sorte que les Jeux paralympiques de 2024 de Paris resteront à jamais gravés dans sa mémoire.

« C’était magnifique. Le simple fait d’être ici m’émeut et jamais je ne l’oublierai », explique la cavalière de dressage, qui habite au R.-U., mais représente le Canada en compétition en raison de ses racines maternelles.
C’est une expérience que Roberta aurait pu manquer si elle n’était pas parvenue à dompter son arthrite il y a de cela environ 25 ans.

Quand l’arthrite fait dérailler les rêves

Roberta Sheffield, enfant sur un chevalNée d’une famille du R.-U. passionnée de chevaux, Roberta est devenue cavalière à quatre ans. Sa passion pour le sport se renforçait jusqu’à ce qu’elle ressente de la douleur aux mains et aux poignets à 15 ans. Le pied et le genou se sont bientôt ajoutés à la liste. Préoccupés, ses parents l’ont amenée chez un rhumatologue.

Roberta explique : « Ce rhumatologue m’a donné des analgésiques et m’a dit que ce ne pouvait pas être si terrible, que j’exagérais et que les jeunes ne développaient pas l’arthrite. »

Pour les cinq années qui suivirent, Roberta déclara forfait. Son corps ne lui permettait pas d’en faire autant sans que la douleur ne s’aggrave. Son bien-être mental aussi fut touché.

« La plupart du temps, mon corps brûlait. J’étais toujours fatiguée, malade, je me traînais de peine et de misère », se souvient-elle. « Faire du cheval était devenu frustrant et douloureux. Ce sport commençait à s’éloigner de moi. Je ne savais pas où je m’en allais. J’ai arrêté de penser que je serais un jour une cavalière parce que je ne croyais pas que je serais encore vivante dans l’avenir. »

Mais, à 20 ans, une bribe d’espoir est apparue. Bien que son rhumatologue eût dit qu’elle ne devrait pas aller à l’étranger pour étudier et qu’elle utiliserait un fauteuil roulant avant d’avoir 20 ans, elle a étudié à l’Université de Birmingham. Elle y a rencontré la professeure Caroline Gordon à l’hôpital de Birmingham et elle est devenue sa rhumatologue. Gordon a diagnostiqué la polyarthrite rhumatoïde à Roberta et elle lui a prescrit des médicaments biologiques pour faire cesser l’inflammation. Son approche en matière de soins était très différente de ce que Roberta avait vécu auparavant.

« La professeure Gordon a dit : “Je suis là pour aider. Peu importe ce que tu veux dans la vie, nous allons trouver un moyen de le faire.” J’ai recommencé à renouer avec les choses que je faisais avant dans ma vie », raconte Roberta.

Une de ces choses était l’équitation.

De retour en selle

Il a fallu un certain temps au professeur Gordon et à Roberta avant de trouver le bon médicament biologique, mai une fois trouvé, la vie de Roberta a été transformée.

« Tout a changé à partir de ce moment. J’avais beaucoup de dommages permanents en raison de ces cinq années où ma maladie était passée sous le radar, mais j’avais beaucoup moins de poussées. Les médicaments n’ont pas arrêté complètement la progression de la maladie, mais il était beaucoup plus facile de vivre avec », explique-t-elle.

Roberta s’est remise à l’équitation et a commencé à connaître du succès. Les performances impressionnantes lors des compétitions internationales sont devenues routinières et avant 2016, elle avait rendez-vous aux Jeux paralympiques de Rio où elle est arrivée 14e. Elle est retournée sur les plus grands parcours du monde en 2021 et elle a terminé 12e aux Jeux paralympiques de Tokyo. En 2024, elle s’est retrouvée dans ce décor féérique de Paris et sa performance lui a valu la sixième place, son meilleur résultat jusqu’ici.

Bien que ses performances en équitation lui aient valu des récompenses, celles-ci venaient avec un coût. Avant chaque Jeu paralympique, le corps de Roberta était réévalué afin de déterminer la catégorie qui lui convenait le mieux pour la compétition. À mesure que son arthrite s’aggravait, elle changeait de catégorie, notamment avant les Jeux de 2024 de Paris.

« L’arthrite est une maladie invisible. Il est facile pour les gens de l’ignorer », dit-elle. « En plus de devoir accepter ma propre détérioration en raison de l’arthrite, je dois aussi accepter ce processus de reclassement. D’autres personnes jugent mon handicap de manière objective. Mentalement, c’est douloureux. »
Pendant une heure, deux physiothérapeutes testent la force et la portée de chacune des articulations de son corps.

« C’est comme le pire bulletin scolaire imaginable », décrit Roberta.

Néanmoins, elle continue à monter son cheval et elle n’a pas l’intention d’arrêter de sitôt. Après sa participation aux Jeux de Paris, des Jeux qu’elle qualifie de locaux pour sa famille anglaise, Roberta a hâte de participer aux Jeux de Los Angeles en 2028 afin que sa famille canadienne puisse y assister.

Qu’elle se qualifie ou non, elle est reconnaissante des expériences équestres qu’elle a pu vivre et ses intentions sont claires quant à l’utilisation de son profil : « L’arthrite m’a ouvert tellement de portes. Bien entendu que je ne voulais pas en être atteinte, mais si je dois trouver un côté intéressant à la maladie, c’est que je suis en mesure d’être une athlète de l’élite. Je veux utiliser cette plateforme pour être la meilleure Canadienne, la meilleure cavalière et la meilleure défenseure de la cause qui soit. »