Gérer l’arthrite

Recherches sur l’utilisation de médicaments biologiques avant et pendant la grossesse

Recherches sur l’utilisation de médicaments biologiques avant et pendant la grossesse

Le présent texte est le troisième de notre série spéciale d’articles portant sur les femmes et l’arthrite. Pour consulter le premier article de la série, cliquez ici : Les femmes et l’arthrite.

Les médicaments biologiques et la grossesse : Ce que vous devez savoir

Évaluer les risques et les avantages de l’utilisation de médicaments durant la grossesse peut s’avérer très difficile, surtout si le médicament en question ou son utilisation sont récents. Les médicaments qu’on qualifie de « biologiques » sont faits à partir de cellules vivantes qui inhibent certains types de cellules immunitaires qui s’attaquent aux tissus sains. Les médicaments biologiques ont largement amélioré le traitement de diverses maladies auto-immunes, dont des formes d’arthrite inflammatoire comme la polyarthrite rhumatoïde, l’arthrite psoriasique et la spondylarthrite ankylosante. Mieux connaître la façon dont ces médicaments affectent la santé de la mère et celle du bébé est toutefois un défi, explique Mary De Vera, Ph. D., titulaire d’une chaire de recherche du Canada sur l’observance de la prise de médicaments et les résultats thérapeutiques, et chargée d’enseignement à la Faculté des sciences pharmaceutiques de l’Université de la Colombie-Britannique. « Pour une femme arthritique qui veut tomber enceinte, arrêter de prendre ses médicaments est compliqué. L’arthrite peut nuire à la mère et à l’enfant. Dans les cas d’arthrite active, il existe un risque de complications, comme un accouchement prématuré ou une fausse couche, ajoute Mme De Vera. L’arthrite doit être prise en charge pour garantir la réussite de la grossesse.

La chercheuse et son équipe de recherche ont donc analysé des données pour déterminer si les femmes atteintes de maladies auto-immunes qui prennent des médicaments biologiques, que ce soit avant la conception ou pendant la grossesse, sont susceptibles d’éprouver des complications durant l’accouchement. Les résultats sont encourageants.

Accouchement prématuré et poids de naissance

Les chercheurs ont analysé plus de 6 000 cas de femmes datant de 2002 à 2012 en Colombie-Britannique et chez qui on avait diagnostiqué une maladie auto-immune, y compris 109 femmes qui avaient pris des médicaments biologiques dans les trois mois avant la grossesse ou pendant celle-ci. L’étude​, publiée en 2018 dans la revue spécialisée en médecine Annals of Rheumatic Disease, a révélé que l’utilisation de médicaments biologiques n’est associée à aucun risque accru d’accouchement prématuré ou de poids de naissance inférieure à la moyenne. « Une arthrite active peut toutefois entraîner ce genre de résultats. Voilà pourquoi il était important de déterminer si le traitement a une incidence négative », affirme Mme De Vera.

Infection chez le bébé et la maman

« Les médicaments biologiques inhibent le système immunitaire. C’est pourquoi nous nous sommes penchés sur le risque d’infection chez la mère, indique Mme De Vera. De plus, certaines études ont mesuré le taux du médicament dans le placenta et découvert que celui-ci était plus élevé vers la fin de la grossesse. Nous nous sommes donc dit qu’un risque de transfert du médicament dans le sang du bébé pourrait entraîner un risque accru d’infection chez celui-ci, et nous avons décidé d’examiner les bébés aussi. » Cette étude, publiée dans la revue British Medical Journal en 2019, a analysé les données de 8 607 grossesses s’étant déroulées sur le territoire de la Colombie-Britannique sur une période de 10 ans, dont 100 chez des femmes qui prenaient des médicaments biologiques. L’étude conclut que l’utilisation de médicaments biologiques durant la grossesse n’est pas associée à un risque accru d’infection grave chez les mères durant la période postpartum ou chez les bébés durant la première année de vie.

Anomalies congénitales

« Lorsqu’on parle de médicaments et de grossesse, les femmes se demandent d’abord et avant tout si leurs bébés auront des malformations congénitales », explique Mme De Vera. Une troisième étude, publiée en 2019 dans la revue Clinical and Experimental Rheumatology, s’est également penchée sur des Britanno-Colombiennes enceintes entre 2002 et 2012. Dans 117 cas examinés, on avait prescrit des médicaments biologiques à la mère trois mois avant l’accouchement ou durant le premier trimestre, et dans 585 cas, la mère n’avait pas pris de médicaments biologiques. Dans les deux groupes, 6 % des bébés présentaient une anomalie congénitale à la naissance, ce qui donne à penser que l’utilisation de ces médicaments n’entraîne pas de risque accru.

« S’il est important d’effectuer de la recherche pour déterminer les risques qui découlent de l’utilisation de médicaments durant la grossesse, cela ne suffit pas. La prochaine étape consistera à évaluer comment ces informations peuvent aider les femmes à prendre des décisions éclairées », remarque Mme De Vera. Elle ajoute qu’il n’est pas rare que les femmes atteintes de polyarthrite rhumatoïde éprouvent de l’anxiété au moment de prendre des décisions concernant les médicaments. « Elles ont besoin de beaucoup d’information pour être sûres de l’innocuité des médicaments et nous voulons combler ses lacunes afin d’apporter de l’information à ces femmes et à leurs rhumatologues, et de faciliter la prise de décisions éclairées. Nous pouvons contribuer à favoriser des grossesses en santé. »