Gérer l’arthrite

La recherche portant sur les femmes atteintes d’arthrose du genou

La recherche portant sur les femmes atteintes d’arthrose du genou

Le présent texte est le second de notre série spéciale d’articles portant sur les femmes et l’arthrite. Pour consulter le premier article de la série, cliquez ici : Les femmes et l’arthrite.

Questions et réponses avec Monica Maly, Ph. D., : les femmes, l’arthrose du genou et la mobilité

Les nouvelles recherches montrent que l’état d’esprit est un puissant outil auquel les femmes atteintes d’arthrose du genou peuvent recourir pour conserver leur mobilité. De nombreux facteurs peuvent jouer un rôle sur la mobilité des personnes qui vivent avec l’arthrose, notamment la fréquence et la gravité de la douleur, la force musculaire et la confiance dont la personne fait preuve envers sa capacité de réaliser certaines tâches physiques. On appelle cette confiance en soi l’« auto-efficacité », et il s’agit d’un des facteurs qui a été étudié dans le cadre d’une récente recherche d’une durée de deux ans, menée auprès de 38 femmes.
 
L’étude, corédigée par Anthony Gatti et Nick Brisson de l’Université McMaster, et supervisée par Monica Maly, Ph. D., professeure agrégée du département de kinésiologie de l’Université de Waterloo, portait sur les femmes, puisque ces dernières sont plus susceptibles que les hommes de développer l’arthrose du genou et que la maladie a souvent de plus grandes répercussions sur leur mobilité. L’étude a révélé que sur deux ans, la mobilité des femmes atteintes de douleur accrue et qui faisaient preuve de peu de confiance en leurs capacités s’était empirée, indépendamment de leur force musculaire au niveau du genou. Qu’est-ce que cela signifie pour les femmes atteintes d’arthrose du genou? Que les stratégies à adopter pour conserver la mobilité devraient être axées sur la gestion de la douleur et le renforcement de la confiance en soi, choses qui peuvent à leur tour accroître la mobilité. Autrement dit, le renforcement de la confiance en ses capacités est un outil qui peut aider les femmes qui vivent avec l’arthrose du genou à réussir à prendre en charge leur maladie. La Société de l’arthrite s’est adressée à Mme Maly pour obtenir plus de détails sur l’étude.

La Société de l’arthrite (SA) : Comment expliquez-vous l’« auto-efficacité » aux gens?

Monica Maly (MM) : D’habitude, je la décris en disant qu’il s’agit du niveau de confiance que nous avons envers notre capacité d’effectuer une tâche précise. L’auto-efficacité est propre à chaque tâche, c’est-à-dire que nous pouvons, par exemple, faire preuve d’une auto-efficacité très élevée quand nous conduisons une voiture, mais ne pas ressentir la même confiance lorsqu’on envisage de courir un marathon. La théorie qui sous-tend l’auto-efficacité suppose que nos convictions sont un moteur très important qui propulse notre rendement. En croyant fermement que je peux courir un marathon, mes chances de réussir à le faire sont bien plus grandes que si je m’engage à le faire en croyant dans mon cœur que j’en suis incapable.

SA : Pourquoi l’auto-efficacité au point de vue de l’arthrite a-t-elle piqué votre curiosité?

MM : Plusieurs études transversales ont démontré qu’il existe un lien entre l’auto-efficacité et les mesures des résultats en ce qui a trait à la mobilité chez les personnes atteintes d’arthrite. Nous savons que les personnes qui croient qu’elles peuvent réaliser une tâche physique ont plus de chance de réussir à le faire par rapport à celles qui font preuve de plus d’incertitude. Nous étions très curieux d’étudier les effets de l’auto-efficacité dans le cadre d’études qui l’établissent comme référence (donc, des études où le niveau d’auto-efficacité d’une personne est évalué dès le tout début) pour voir si nous sommes en mesure du prédire l’évolution dans le temps de la personne qui vit avec la maladie.

Nous sommes également curieux de voir comment nous prédisons l’évolution des personnes atteintes d’arthrite en prenant plutôt la douleur comme référence à l’étude. La force musculaire nous intéresse aussi. Il s’agit d’une autre variable pour laquelle nous n’avons toujours pas de réponses concluantes. Nous savons que les personnes moins fortes courent un risque accru de développer l’arthrose, mais nous ne savons pas si leur niveau de force joue un rôle sur leur risque d’aggravation de la maladie. Ces trois variables nous intéressaient vraiment : l’auto-efficacité, la douleur et la force musculaire.

SA : Vous avez demandé aux gens d’indiquer leur niveau de certitude par rapport à différents énoncés cités dans un questionnaire. Pouvez-vous nous donner des exemples de ce que les gens déclaraient sur la liste?

MM : Les énoncés du questionnaire portaient sur certaines tâches physiques. Par exemple : « Je suis certain que je peux marcher pendant six minutes (…) Je suis certain que je peux gravir un escalier (…) Je suis certain que je peux préparer à manger. » Certains énoncés portaient sur la gestion de la douleur : « Je suis assez certain que je suis capable de maîtriser ma douleur (…) Je suis assez certain que si je ressens de la douleur, je suis capable de faire quelque chose pour l’atténuer. » 

SA : Votre étude était également axée sur l’influence du niveau de force du genou sur l’arthrose. Quels résultats avez-vous obtenus?

MM : Il s’agit là d’un aspect très intéressant de l’étude. Ce que nous savons, c’est que les personnes moins fortes physiquement sont plus susceptibles de développer l’arthrose. Les mécanismes qui mènent à cela demeurent nébuleux. Cependant, nous croyons que le genou bénéficie d’un bon soutien musculaire; que les muscles entourant le genou ont la capacité de répartir la pression exercée sur celui-ci. Si les muscles sont faibles, la pression exercée ne sera pas aussi bien répartie. Nous croyons également que ces muscles peuvent servir d’amortisseurs et qu’ils peuvent absorber une partie de la charge portée par le genou. Donc, si vos muscles sont plus faibles, votre capacité de répartir une partie de la pression exercée sur les structures articulaires comme l’os et le cartilage sera moindre. Nous ne comprenons pas entièrement le phénomène, mais nous savons qu’il existe bien une corrélation ici.

SA : Dans le cadre d’une discussion portant sur certains résultats tirés de votre étude, vous avez indiqué que de « reconnaître consciemment ses capacités musculaires » pourrait faire partie des traitements visant à améliorer la mobilité. Pouvez-vous donner un peu plus d’explications?

MM : Je vais brièvement revenir sur mon analogie du marathon. La meilleure façon de m’assurer si je suis capable de courir un marathon est de m’y lancer. Nous voulons donc donner l’occasion aux gens de constater qu’ils sont capables de s’adonner à une activité qui requière beaucoup de force au niveau du genou et leur faire prendre conscience de cette capacité. Dans un environnement de réadaptation, nous demandons aux gens d’effectuer des mouvements précis, comme des accroupissements (squats), des exercices effectués à l’aide d’appareils et des fentes avant. Il serait utile de les accompagner en leur soulignant : « vous n’étiez pas capable d’effectuer cet exercice il y a six mois, mais voyez comment vous le faites maintenant. » Il s’agit d’attirer leur attention sur le fait qu’ils s’améliorent réellement, sur le sentiment que leur procure contracter leurs muscles. Cela peut les aider à soulager leur douleur : « Il y a six mois, gravir les escaliers vous causait de la douleur que vous évaluiez à 6 sur 10 et aujourd’hui, vous me dites que c’est un 2 sur 10. » Il suffit de porter leur attention au changement qui s’est produit. C’est un aspect que nous ne reconnaissons pas toujours.

SA : Donc, dans ce cas, c’est le physiothérapeute ou un autre professionnel qui accompagne le patient. Est-il utile pour une personne atteinte d’arthrite de faire le suivi de son propre progrès pour ainsi accroître son auto-efficacité?

MM : Je crois qu’un patient peut certainement faire cela pour s’aider lui-même. Cependant, l’auto-efficacité est définie en partie par un soutien obtenu d’une personne autre que soi-même. Il s’agit d’un des objectifs des séances d’exercices en groupe : bénéficier du soutien de ses pairs et de l’appui de quelqu’un qu’on estime en tant qu’instructeur afin d’améliorer son auto-efficacité. Si vos pairs vous disent : « regarde ce que tu peux accomplir », cela aide en fait à renforcer votre certitude que vous pouvez bel et bien réussir.
 

Pour en apprendre davantage sur les façons de devenir actif et de le demeurer, consultez le module en ligne de la Société de l’arthrite, Rester actif.
 
Cette étude a été financée en partie par un programme de bourse salariale de formation au doctorat de la Société de l’arthrite.
 
Référence : BRISSON, Nicholas M., GATTI, Anthony A., STRATFORD, Paul W., MALY, Monica R., « Self-efficacy, pain, and quadriceps capacity at baseline predict changes in mobility performance over 2 years in women with knee osteoarthritis » Clinical Rheumatology, vol. 37, n° 2, 2018, pp. 495-504.