Histoires

Des femmes dans la vingtaine, la trentaine et la quarantaine parlent de leur vie avec l’arthrite

Des femmes dans la vingtaine, la trentaine et la quarantaine parlent de leur vie avec l’arthrite

Le présent texte est le quatrième de notre série spéciale d’articles portant sur les femmes et l’arthrite. Pour consulter le premier article de la série, cliquez ici : Les femmes et l’arthrite.

Le témoignage de quatre femmes : Gérer le travail, les relations et la parentalité lorsqu’on vit avec l’arthrite

L’arthrite, même quand elle est bien gérée, peut avoir une incidence considérable sur la vie d’une personne, et ce, même si elle fait de son mieux pour trouver un équilibre entre les traitements médicamenteux, les stratégies de soins personnels et la vie quotidienne. Le défi peut être d’autant plus grand si la maladie s’est manifestée à l’enfance ou au début de l’âge adulte. Rayonnez a parlé avec quatre femmes canadiennes dans la vingtaine, la trentaine et la quarantaine pour savoir quelle incidence l’arthrite a eue sur leur vie professionnelle, leurs relations et leur décision d’avoir des enfants ou non.

Vie professionnelle

Pour une personne qui a reçu un diagnostic d’arthrite à l’enfance ou au début de l’âge adulte, la question du travail peut être effrayante : Est-ce que je réussirai à décrocher un emploi? Si oui, est-ce que je serai capable de le conserver? Est-ce que je pourrai travailler dans le domaine qui m’intéresse? Jillian Kuchard, de Toronto, a appris qu’elle était atteinte de polyarthrite rhumatoïde (PR) il y a cinq ans, juste avant d’avoir 25 ans. Elle dit que les difficultés liées à l’obtention d’un diagnostic, avec toutes les absences du travail pour les rendez-vous médicaux et les tests en laboratoire que cela implique, a eu un effet négatif sur son rendement, et elle a perdu son emploi contractuel en marketing. Heureusement, elle n’a éprouvé aucune crise d’arthrite aiguë en quatre ans et demi et travaille maintenant à temps plein.

Il arrive parfois qu’un diagnostic ou la progression de la maladie exigent un changement de profession. Nairy Markarian, elle aussi de Toronto, a reçu son diagnostic de PR juvénile quand elle n’avait que deux ans. Pendant 10 ans, elle a mené une belle carrière en gestion hôtelière, jusqu’à ce que les longues heures à travailler debout et à voyager l’obligent à opérer un changement pour protéger sa santé. « C’était très dur pour moi, parce que j’aimais beaucoup ce que je faisais », dit-elle. Alors qu’elle habitait encore en Jordanie, elle a fait une incursion dans le domaine des ONG et a fondé l’association jordanienne de l’arthrite Rose of Hope (Rose de l’espoir). Et depuis qu’elle s’est installée au Canada il y a deux ans, elle a bâti une brillante carrière comme coordinatrice de collecte de fonds à temps partiel.

Grace Rebamontan, de Port Coquitlam, en Colombie-Britannique, a reçu son diagnostic de PR il y a 14 ans, quand elle en avait 26. Elle a décidé de quitter son emploi dans le domaine des ressources humaines en raison des poussées de la maladie qui ont suivi la naissance de sa fille aînée. « Je n’ai jamais pensé que j’allais devenir mère au foyer. Je n’ai jamais pensé non plus que j’allais devoir abandonner ma profession », dit-elle. En rémission depuis quelques années, elle fait beaucoup de bénévolat et envisage la possibilité de trouver un emploi à temps partiel quand sa benjamine commencera l’école.

Adrienne Dalla-Longa, directrice de l’engagement bénévole à la Société de l’arthrite à Vancouver, a reçu son diagnostic d’arthrite quand elle avait quatre ans. Si elle s’estime heureuse d’avoir eu des employeurs compréhensifs (pas seulement la Société de l’arthrite) au cours de son parcours professionnel, elle dit que ce n’est pas un hasard. « J’ai toujours défendu mes droits quand il s’agissait de négocier les conditions d’un contrat de travail. Je suis ouverte et honnête avec mes employeurs : j’explique que j’ai une maladie chronique qui est bien documentée et que j’ai besoin d’adaptations au travail. Je pose des questions concernant la politique en matière d’absentéisme et je demande si je peux utiliser mes journées de maladie et mes pauses pour me rendre à mes rendez-vous médicaux. Parfois, j’ai dû accepter des réductions de salaire pour bénéficier d’une plus grande flexibilité dans mon horaire. »

Les relations

Les relations avec les amis ou les partenaires peuvent elles aussi être difficiles. Quand le copain de Nairy lui a demandé de l’épouser, elle a refusé, mais lui a offert un compromis. « J’ai dit : vis avec moi, découvre mon mode de vie, puis dis-moi : “Oui, Nairy, je peux vivre avec ça. Je veux être avec toi, ou pas”. J’ai 45 ans et, au fil des ans, j’ai organisé ma vie en fonction de mes problèmes de santé et de ma carrière. Tu dois comprendre que je ne suis pas comme les autres femmes. » (Ils se sont fiancés après trois mois de cohabitation.)

Adrienne se rappelle qu’elle était anxieuse à l’idée de parler de sa maladie avec ses amis quand elle était enfant. D’ailleurs, un groupe d’amis de longue date a appris la vérité il y a six ans seulement, quand elle avait 25 ans. « Garder le secret a été très difficile. Je me sentais super isolée et j’avais l’impression d’être en quelque sorte brisée ou “différente”. Quand on en parle, on se rend compte que tout le monde a ses propres batailles à mener, qu’il s’agisse d’une maladie physique ou mentale, ou de problèmes familiaux. » Depuis trois ans, elle a un amoureux très compréhensif. Par exemple, il sait que chaque semaine, elle a besoin d’une période de calme de 24 heures à cause des nausées provoquées par les médicaments qu’elle prend. Socialiser, et même l’embrasser, est hors de question pendant cette période.

Jillian a rencontré son copain il y a cinq ans, alors qu’elle était en rémission. C’était environ un an après que son diagnostic est tombé. Bien qu’il soit très compréhensif, elle se demande ce qui se passera le jour où elle subira une crise aiguë de la maladie. Elle souligne aussi que composer avec les effets d’un système immunitaire déficient est très éprouvant. « Quand j’ai un rhume, je peux être alitée pendant un mois. Mon rhumatologue dit qu’il n’a jamais vu un système immunitaire aussi faible que le mien. Je pense que cela a beaucoup affecté notre relation, c’est-à-dire, le fait que je tombe malade si souvent. »

Quant à Grace, elle dit que son époux a toujours été d’un grand soutien. (« Il pouvait voir à quel point j’avais mal : il m’aidait à monter les escaliers, à me coucher et à me relever. Il a joué un rôle très important. »). Ses amitiés, pourtant, n’ont pas toutes perduré. « La PR peut être une maladie invisible. Ainsi, mes amis ne voyaient pas mes symptômes : j’avais l’air d’aller bien. Personne ne voyait à quel point j’étais fatigué et que j’avais mal. Ils disaient : “Elle ne fait pas d’efforts pour passer du temps avec nous ou elle annule encore.” Je suis encore l’amie de ceux qui ont été présents, mais je me suis distancé des gens qui ne m’apportaient rien. En vieillissant, on se rend compte qu’il n’est pas important d’avoir beaucoup d’amis. Ce qui compte, c’est de pouvoir compter sur ceux qu’on a. »  

Le rôle parental

Décider d’avoir ou non des enfants peut aussi être un sujet délicat chez les femmes atteintes d’arthrite. « Moi, j’ai pris la décision de ne pas avoir d’enfants et ma décision est en partie due à mon arthrite », dit Adrienne. Jillian envisage de devenir maman : « Franchement, je suis assez terrifiée à cette idée. » Son rhumatologue lui a recommandé d’arrêter de prendre son médicament trois mois avant la conception et tout au long de la grossesse. Cependant, il existe d’autres médicaments qu’elle peut prendre. « Si j’arrive à tomber enceinte et que la grossesse est vraiment difficile à cause de l’arthrite, je pense que je ne voudrai plus d’enfants. »

Grace a eu deux expériences de grossesses complètement différentes. Après avoir eu sa fille aînée, il y a neuf ans, elle a développé une résistance aux médicaments biologiques et a subi une poussée si forte des symptômes qu’elle devait s’installer chez ses parents du lundi au vendredi, quand son mari était au travail, parce qu’elle avait tellement mal aux articulations qu’elle n’arrivait pas à soulever sa fille. « Cela a été un moment très difficile, se rappelle-t-elle. Je ne souhaiterais ça à personne. Il m’a fallu beaucoup de force intérieure et d’appui de la part de mes amis et de ma famille pour passer à travers cette période. » La douleur physique a également déclenché une souffrance émotionnelle. « On a mal et on se sent frustré, mais on ne veut pas être en colère. Pendant longtemps, j’ai évité de pleurer et j’ai caché mes émotions. » En s’appuyant sur les résultats de nouvelles recherches, son médecin et elle ont décidé qu’elle continuerait de prendre son médicament biologique pendant sa deuxième grossesse, ce qui lui a évité une poussée invalidante. Elle a aussi subi une arthrodèse (fusion d’une articulation) des deux poignets avant sa deuxième grossesse, ce qui l’a aidée à gérer la douleur causée par la PR. Aujourd’hui, elle a une excellente relation avec ses deux filles.

On ne saurait nier que vivre avec l’arthrite peut s’avérer très difficile et frustrant : il est très dur d’accepter les changements que la maladie peut occasionner. Jillian dit qu’elle s’est sentie accablée quand elle a reçu son diagnostic, mais qu’elle a réussi à passer à travers. « Ça fait peur, mais il y a de l’espoir et tant de traitements disponibles. L’arthrite est beaucoup plus facile à gérer maintenant qu’elle ne l’était avant. »